Gounod et le Chant du départ des missionnaires

Voici un article plein d'esprit, extrait d'une chronique du Père Christian Simonnet (mep), évoquant les auteurs des paroles de de la musique du Chant du départ des Missionnaires.

Père Christian Simonnet (1912-2002) (23 déc. 1983)

Notre maison

Je reviens un peu en arrière, parce que la précédente chronique remonte au 24 août. Or il s'en est passé des choses depuis cette date, même à L'Hirondelle !...

Nous évoquions dans cette dernière chronique l'auteur du "Chant pour le départ des missionnaires", Dallet, comme chacun sait. Mais une discrète note manuscrite sur l'exemplaire de l'édition originale (1852) mentionne : "MM. Dallet, Theurel, Vénard", ce qui montre à l'évidence que Dallet fut aidé par ses deux amis. Et nous concluions : "Telle fut la destinée des trois coauteurs du Chant pour le départ des missionnaires. Les trois mousquetaires - c'est bien connu - étaient quatre", le quatrième - d'Artagnan - se révélant même le plus brillant. Et nous proposions un petit jeu pour l'été : "Devinez-voir quel était le quatrième... Il est visible comme le nez au milieu de la figure !" Bien évidemment, aucune réponse ne nous parvint, ce qui semblerait indiquer que votre paresse est aussi congénitale que la mienne ; à moins que le soleil d'été puisse être invoqué comme circonstance atténuante. - Bref !

Le quatrième et principal auteur du Chant est évidemment le compositeur : Charles Gounod, organiste de notre chapelle. Bien entendu, l'orgue dont il disposait n'était pas l'obscur biniou actuel. C'est lorsqu'on donna dans les cérémonies le pas au chant liturgique sur la musique d'orgue qu'on brada l'instrument touché par Gounod. Il se trouve aujourd'hui à l'église Ste Geneviève-St Maurice de Nanterre, ville célèbre pour ses pompiers ("Zim-laïla, zim-laïla, les pompiers de Nanterre ! Zim-laïla, Zim-laïla, ces beaux pompiers-là !"), et par ses universités contestataires (1968, Cohn-Bendit...) Personnellement, ma préférence irait aux pompiers, et, bien entendu, à l'orgue, encore qu'il ait été passablement modifié après la deuxième guerre mondiale.

Et Gounod ? A part le fait d'être l'auteur de Faust, l'opéra le plus joué du monde avec la Carmen de Bizet, qu'en savez-vous ? Si Faust domine toute son œuvre, cette œuvre n'en est pas moins considérable ; et, même amputée de son chef-d’œuvre, elle aurait déjà suffi à assurer la réputation de son auteur. Mais, si nous examinons de plus près la personnalité de notre illustre organiste, nous connaîtrons sans doute quelques surprises…

Son enfance ne fut pas pour favoriser l'épanouissement d'une âme religieuse. Orphelin de père à cinq ans, il est élevé par une mère qui lui enseigne la musique ; à part cela, croyante peut-être, absolument pas pratiquante. Les leçons de musique, en tout cas, ont dû être bonnes, car Gounod emporte le premier prix de Rome, où il part en 1840. Rencontre avec une ville… et avec Palestrina : deux coups de foudre. Ce n'est pas tout. Le pensionnaire de la villa Médicis se lie avec de jeunes prêtres : un parisien, Charles Gay (futur monsignore), Gerbet (futur évêque de Perpignan), et surtout un type aux yeux ardents et à l'âme incendiaire : Lacordaire. Tels, sont ses amis, auxquels il aime servir la messe, tantôt à l'un tantôt à l'autre. Ses lettres commencent à inquiéter sa mère, puis à la secouer. Rentré à Paris, le futur Mgr Gay écrit à son ami qu'il a gagné : sa première conversion aura donc été sa mère !

Gounod retourne lui-même à Paris en 1843 et accepte la charge de maître de la chapelle des Missions Étrangères, toujours "paroisse succursale" de St Thomas d'Aquin. Mais quelque chose le travaille… Et voilà-t-il pas qu'en 1846 il se met en tête d'aller suivre les cours de théologie au séminaire Saint-Sulpice, prend la soutane, et signe ses lettres "abbé Gounod"! Mais, l'hiver passé, il se rend compte que sa vraie vocation demeure la musique, que c'est par elle qu'il servira Dieu au mieux de ses moyens ; si bien que, même quand il se sent irrésistiblement attiré par l'opéra, il trouvera toujours le moyen d'y ménager un fond religieux. Il triomphe dans Faust, et connaît encore deux grands succès avec Mireille et Roméo et Juliette, toujours au répertoire â l'heure qu'il est. Le président Mac-Mahon lui commande l'hymne national de la France. Gounod fait de son mieux… mais n'arrive pas à surclasser l'increvable Marseillaise, unique trait de génie d'un bien médiocre compositeur ; par contre, Gounod compose l'hymne pontifical, toujours en usage aujourd'hui.

Après le bide de son dernier opéra "Le Tribut de Zamora", Gounod se consacre exclusivement à la musique sacrée, et multiplie les messes et les oratorios. Il s'enchante de "Rédemption" (1882), et écrit à son ami Mgr de Ségur : "Rédemption avance. Tout le Calvaire est terminé. Je nage dans les saintes femmes. C'est délicieux !" - Mince ! Et savez-vous où on découvre cette citation ? Dans l'Ami du Clergé du 26 juin 1913. Parfaitement !

En 1893, Gounod met la dernière main à une messe de Requiem composée à l'occasion de la mort d'un de ses petits-fils. Il retravaille le Sanctus. Sa fille l'accompagne au piano. Gounod psalmodie : "Benedictus, benedictus..." et s'écroule, frappé d'une congestion cérébrale. Il mourra deux jours plus tard sans avoir repris connaissance. L'Etat lui vote des funérailles nationales, ce qu'il ne demandait pas. A l'Église, par contre, Gounod a demandé dés funérailles strictement liturgiques, avec le Requiem grégorien - Belle leçon d'humilité de ce grand compositeur, auteur de pas moins de treize messes de Requiem !

Le chrétien Gounod ne fut pas sans reproche. Il connut même une longue défaillance après le désastre de 1870. Il passa alors, à Londres dans un état plus ou moins dépressif, et trouva quelqu'un pour le consoler… et l’enchaîner. Mais il était d'une nature trop profondément religieuse pour s'éterniser dans une situation fausse. En 1874, il rompit "la chaîne anglaise" et revint aux siens et à son pays. Ce fut un déchirement. "Le démon que vous savez est aux abois. Mais "elle" est encore de ce monde : donc un miracle peut encore la sauver. Priez pour elle qui me persécute. Ah ! que je surabonde de joie en Jésus au milieu de mes tribulations !"

Après sa mort, on a trouvé dans les inédits de Gounod cette pensée : "L'homme a coûté Dieu. Et Dieu ne coûterait rien à l'homme ?"

Rien que pour ce "mot", nous serions en droit de dire que le quatrième mousquetaire du Chant pour le départ des missionnaires était vraiment digne des trois autres !

Père Christion Simonet

Remerciements au Père père Olivier Prohomme qui nous a procuré ce document et nous a autorisés à le publier.

Théophane Vénard

Tong-King, 20 janvier 1861

Missions Etrangères de Paris www.mepasie.org / 128ruedubac@gmail.com

Très cher, très honoré et bien-aimé père,
puisque ma sentence se fait encore attendre, je veux vous adresser un nouvel adieu, qui sera probablement le dernier. Les jours de ma prison s'écoulent paisiblement ; tous ceux qui m'entourent m'honorent, un bon nombre m'aiment beaucoup. Depuis le grand mandarin jusqu'au dernier des soldats, tous regrettent que la loi du royaume me condamne à la mort. Je n'ai point eu à endurer de tortures comme beaucoup de mes frères. Un léger coup de sabre séparera ma tête, comme une fleur printanière que le maître du jardin cueille pour son plaisir. Nous sommes tous des fleurs plantées sur cette terre et que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard. Autre est la rose empourprée, autre est le lis virginal , autre l'humble violette. Tâchons tous, selon le parfum ou l'éclat qui nous sont donnés, de plaire au souverain Seigneur et Maître. Je vous souhaite, cher père, une longue, paisible et vertueuse vieillesse. Portez doucement la croix de cette vie à la suite de Jésus, jusqu'au calvaire d'un heureux trépas. Père et fils se retrouveront en paradis. Moi, petit éphémère, je m'en vais le premier. Adieu.
Votre très-dévoué et respectueux fils
J.-Théophane VÉNARD

WikipédiA

Partez hérauts de la bonne nouvelle
Voici le jour appelé par vos vœux
Rien désormais n'enchaîne votre zèle
Partez amis que vous êtes heureux
Oh ! qu'ils sont beaux vos pieds missionnaires
Nous les baisons avec un saint transport
Oh ! qu'ils sont beaux sur ces lointaines terres
Où règne l'erreur et la mort

Refrain
Partes amis, adieu pour cette vie
Portez au loin le nom de notre Dieu
Nous nous retrouverons un jour dans la patrie
Adieu frère adieu.

En nous quittant vous demeurez nos frères
Pensez à nous devant Dieu chaque jour
Restons unis dans la sainte prière
Restons unis dans son Divin amour.
Ô Dieu Jésus, notre roi notre maître
Protégez-nous, veillez sur notre sort
A Vous nos cœurs, notre sang, tout notre être
A vous à la vie, à la mort

Gounod et le Chant du départ des missionnaires
Gounod et le Chant du départ des missionnaires
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